ÉCRITURE

L’AUTRICHE

Je connais très peu l’Autriche, en fait je n’en connais rien, sauf qu’un jour, étant à Munich et devant me rendre à Vérone, je dus traverser ce pays de part en part. J’avais pris le train deuxième classe, où les nombreux compartiments fermés prévus pour six personnes assises donnent sur le corridor des wagons. J’étais seul dans mon compartiment, car ne prenant le train que rarement et sans trop connaître les usages, je m’étais assis sans le savoir dans une de ces boîtes réservées à l’avance par d’autres. Le train roulait en douce et j’étais bercé par son roulis et son tchouk à tchouk à tchouk, assis du côté de la fenêtre, regardant le paysage fantastique des Alpes, avec ses verts pâturages au fond des vallées et ses montagnes aux pics enneigés.

À Rosenheim, un homme et une femme entrent dans ma cellule, me parlent dans une langue que je ne connais pas, mais je comprends qu’ils me demandent s’ils peuvent s’asseoir avec moi. Je leur fais un sourire et d’un geste de la main leur indique qu’ils sont les bienvenus. Un peu gênés, ils me rendent tous les deux mon sourire et s’assoient face à face sur les sièges attenants au corridor. Ils sont âgés, la femme a les cheveux gris depuis belle lurette et les cheveux de l’homme qui dépassent de sa casquette sont totalement blancs. Ils ont probablement entre 75 et 80 ans. Ils se penchent parfois l’un vers l’autre, se chuchotent quelques mots, se prennent la main, de toute évidence, ils sont en amour. Je les trouve charmants et mes yeux passent du paysage fabuleux, d’un côté, à l’image de ce couple attendrissant.

Nous arrivons à Kufstein. Cette fois, une femme seule fait son entrée. Elle porte un manteau noir, genre imperméable, avec son sac à main de cuir en bandouilère. Sans regarder personne, elle s’installe directement devant moi. Assise, elle pose la tête contre la fenêtre, ferme les yeux et s’endort. Son manteau est ouvert, elle porte une jupe ample, légère, grise, et un chemisier rose pâle auquel il manque un bouton à la hauteur des seins. Je vois un petit peu de son soutien-gorge noir par la fente. Je la regarde à souhait en me disant que, puisqu’elle dort, je ne fais de mal à personne. Je jette toutefois un regard en coin vers les petits vieux, mais je constate qu’ils n’ont d’yeux que l’un pour l’autre et je reviens vers cette femme et à sa blouse. Je vois sa poitrine monter et descendre selon sa respiration. Elle dort. Puis, dans un geste machinal, elle enlève ses souliers sans utiliser les mains, se servant à tour de rôle d’un pied et de l’autre. Elle porte des bas de nylon et ses pieds maintenant attirent mon regard tout autant que ses seins.
Nous arrivons à la gare de Wörgl; personne ne sort, personne n’entre.
Probablement à cause du froid occasionné par l’ouverture momentanée des portes, ma voisine d’en face, sans ouvrir les yeux, lève les jambes et pose ses pieds sur mon siège. J’avais les jambes écartées et ses pieds se retrouvent directement entre mes cuisses sans pour autant me toucher. Je jette encore un coup d’œil sur mon couple âgé; aucune réaction, ils sont dans leur bulle. Je regarde les pieds de la fille et je commence à sentir une excitation. Les mouvements du train font qu’elle glisse un peu et ses pieds maintenant me touchent presque. Son glissement fait que sa jupe a remonté quelque peu et je peux voir un tout petit bout d’une jaretelle retenant ses bas. Mes yeux vont de son bustier à ses pieds à ses cuisses. Elle m’excite de plus en plus. Oserais-je, n’oserais-je pas? Je tente le coup, je ferme les yeux pour avoir l’excuse, si jamais elle se réveille, de m’être endormi moi aussi et je glisse imperceptiblement sur mon banc, à peine, mais un de ses pieds maintenant me touche, m’effleure l’entre-jambes. Je fais semblant de dormir. Mon cœur bat tellement fort que j’ai peur qu’elle l’entende. J’entrouvre hypocritement un oeil, je vois qu’elle dort encore. Je suis de plus en plus excité. J’ouvre les yeux complètement et juste à ce moment, elle se retourne légèrement, sans doute à cause d’un rêve. Sa jupe collant au banc se relève encore plus et je vois le haut de sa cuisse. Je vérifie de côté, les vieux ne se rendent compte de rien. Je me laisse glisser encore de sorte que l’un de ses pieds est carrément sur mon sexe et je bande. Elle a sans doute froid aux orteils car elle glisse l’un de ses pieds sous ma cuisse. L’autre est bien en place entre mes jambes, sur mon membre. Je capote, mon sang circule de plus en plus vite dans mes veines, et il me vient même l’idée complètement folle que Dieu existe.
Puis le train ralentit, on arrive à Jenbach. Dieu n’existe peut-être pas après tout, mais je le prie quand même pour que personne ne vienne. Mon vœu est exaucé. Le train reprend son roulis et elle dort toujours. Cependant, elle semble quelque peu perturbée dans son sommeil, car elle bouge. Sa jupe monte encore un peu et ses pieds ont parfois de légers spasmes. Et je crois que je commence à ravoir la foi. Mais je doute. J’ai peur. Le paradis n’est pas pour moi, ai-je mérité ça? Mais ses orteils qui bougent me ramènent à la réalité et je me fous bien de Dieu et je défais ma ceinture, dégrafe mon pantalon et descends ma fermeture éclair. Je rabats sur ses pieds les pans de ma chemise pour le cas où mes voisins réaliseraient ce qui se passe. Et j’accepte enfin mon bonheur. Ses orteils chercheuses trouvent l’ouverture de mon slip et avec mes mains, je les aide à y pénétrer. Son pied est maintenant directement sur mon pénis et me masturbe doucement. Son pied glisse sur ma peau tendue et ses orteils s’attardent sur mon gland. Mon pénis est dur comme une barre de fer. Ma tête va de haut en bas, de gauche à droite, je vois ses seins, ses jambes, je ne sais plus où je suis, comme dans un manège. Elle en remet, son autre pied est passé du dessous de ma cuisse à mes testicules, sous mes testicules. Je n’y tiens plus, j’avance encore, je me fous complètement du vieux couple, je crois qu’ils ont compris, mais c’est le dernier de mes soucis. Son pied droit va et vient sur ma verge et le gauche se promène en allant sous mes jambes, jusqu’à mes fesses. Je n’en peux plus, j’éclate, j’explose et j’éjacule dans ma culotte et sur son pied en émettant un grognement que j’essaie de retenir le plus possible. Le train ralentit et l’on annonce Innsbruck. Ma voisine sursaute, ramène ses jambes, remet ses souliers, réajuste sa jupe, prend son sac à main et, sans me regarder, sort du compartiment. Moi, complètement groggy, ahuri, sonné, je regarde par la fenêtre. Je l’aperçois sur le quai, de dos. Je vois ses grandes jambes. Elle se dirige vers la gare. Le train part dans la même direction. Quand elle se retrouve vis-à-vis de ma fenêtre, elle tourne la tête vers moi, me regarde avec ses grands yeux noisette et m’esquisse un sourire moqueur.
Puis, je la vois devenir de plus en plus petite, jusqu’à disparaître.
Je me retourne. L’homme et la femme me regardent. Eux aussi arborent un grand sourire.

Quel beau pays que l’Autriche! Décembre 2003